Rangiroa et M. Francis

Le vol de Bora a Rangiroa dure 1h10. Rangi est dans les touamotu et c'est un atoll. Les atolls sont d'anciennes iles avec lagon qui a force d'erosion ont disparu et il ne reste plus que les motus du lagon. Ca fait donc comme un gros anneau de terres emmergees a tres faible altitudes ( a peine quelques metres et encore ) et qui ne se touchent pas forcement. Rangiroa est aussi le plus grand atoll du monde avec ses 80 km de diametre pour la partie la plus large si mes souvenirs sont bons. Du coup quand on est au sol on ne voit pas l'autre cote et la mer interieure est une vrai mer avec des vagues quand le vent souffle. A l'aeroport je suis attendu par Francis, un ami de Christian et Nelly qui ont passe trois mois sur l'atoll en gardant notamment la maison de Francis. Francis a vecu quelques annees au Vanuatu dont il a la double nationalite et il pourra me renseigner un peu sur sa seconde patrie avant que j'y aille. Je erre un peu dans le hall de l'aeroport sans savoir qui chercher et au bout d'un moment un homme vient vers moi. A peu pres ma taille, cheveux gris, le regard aiguise, allure assez dynamique, il arbore une superbe dent de cochon enroulee en collier, typique du Vanuatu. Il me fait faire une rapide visite des 12km du motu principal et me mene a la pension Nanua juste a cote de chez lui. La pension Nanua est le premiere a avoir ouvert sur l'atoll et on peut y planter sa tente. La mienne est a quelques metres de la plage. Ils offrent aussi trois bungallows. Dans l'un d'eux, Yuri, l'italien de Bora. Il va plonger cet apres midi. C'est dimanche et c'est tres calme. Faliwa, l'arriere petit fils de Nanua, age de cinq ans vient me voir et je joue un peu aux billes avec lui. Il est tres gentil et fait tout pour que je gagne. Dans l'apres midi je vais a la pension Henriette pour reserver un tour pour le lagon bleu. Une des attractions de Rangiroa. La sortie est fonction de la meteo, on verra demain. Le lendemain le temps est beau, en attendant le minibus je vais discuter un peu avec Francis. J'embarque avec une famille et un autre couple sur un bateau de peche au Mahi Mahi. Le vent qui souffle sur l'atoll a forme des vagues et on se mouille pas mal a l'arriere mais il fait soleil et ca ne fait pas de mal. La traversee dure 1h30, puis nous arrivons en vu du motu ou nous allons manger. Le bateau ne peut pas aller plus loin et nous debarquons et marchons un peu sur le platier pour acceder a l'ilot. De petits requins a pointe noire nous suivent. Du motu nous allons a un autre ilot qui abrite des oiseaux. En chemin, Charles nous fait gouter du benitier. Sur certains arbres de l'ile les oiseaux ( les noirs )se sont regroupes pour faire leurs nids, les sternes blanches ( a confirmer que ce sont bien des sternes ) elles deposent leur oeuf sur une branche et viennent nourrir le petit qui reste la apres eclosion. Charles attrape aussi un superbe crabe de cocotier bleu. Celui-ci n'est pas tres gros nous dit-il mais c'est deja une belle bete. Il nous fait aussi gouter du coeur de palmier qu'il decoupe devant nous. C'est super bon, on dirait une amande pas encore bien mure. Il en reste tres peu. Le lagon bleu porte bien son nom. C'est une sorte de lac a l'eau bleu plus claire que celle du lagon de l'atoll enserre dans un anneau de motus. Les petits requins peuvent donc s'y developper tranquillement car les gros ne peuvent pas passer la faible epaisseur d'eau pour y acceder. Quelques raies semblent voler au raz du sable.Par endroits le sable a des reflets roses mais la vraie plage dite de sable rose est a l'autre bout de l'atoll. Le repas est aussi a la hauteur. Poisson cru, brochettes de mahi mahi et de barracuda, poulet en sauce et salades avec un pain a la noix de coco je crois, exquis. Au dessert des des de pasteque. Pendant un moment je regarde deux perruches vini, une espece de polynesie. Allez savoir pourquoi mais le telephone portable a Tahiti est appele vini. Ensuite c'est l'heure de nourrir les bebes requins avec les reliefs du repas. Nous sommes plusieurs groupes sur l'ilot a regarder un guide attraper un jeune requin pour nous le montrer de plus pres. Ca n'est pas tres ecologique tout ca mais il ne le sort pas tres longtemps de l'eau et le repose delicatement. Lola la petite fille de trois ans joue dans une sorte de bassin avec une vingtaine de requins derriere elle. Le nourrissage s'il peut etre etonnant est chose courante en Polynesie. D'ailleurs on n'a pas tout donne aux bebes requins. Il faut en garder un peu pour les plus gros qui attendent pres du bateau. Pres du bateau d'un autre groupe des gerbes d'eau temoignent de la frenesie qui agite les requins. Meme s'ils sont innofensifs pour l'homme, dans ces cas la il vaut mieux etre prudent en se mettant a l'eau. Les requins dans leur frenesie peuvent etre amene a "gouter" a un homme qui plongerai d'un coup au milieu d'eux. Une vingtaine de requins de un metre a un metre cinquante nagent au dessous de notre embarquation, c'est un peu impressionnant mais c'est quand meme l'occasion de les voir de plus pres et dans des conditions de securite plutot bonnes. Je descends a l'eau et me tient a la corde avec les autres. Les requins passent assez pres de nous tout en maintenant une certaine distance de securite. Ils sont assez craintifs aussi. Par contre les remoras s'approchent tres pres de nous dans l'espoir de s'accrocher a nous peut-etre. Ils ne sont pas tres beaux avec leur tete applatie sur le dessus et leur semelle de tennis sur le dos. Mais je suis etonne de la taille qu'ils font. Je voyais ca plus petit. Le retour est encore plus rapide que l'aller, Charles nous fait traverse le lagon en moins d'une heure et nous sommes couvert de sel a l'arrivee. Ce matin Diane est arrivee aussi a la pension. Elle va plonger demain. Rangiroa est repute pour ses tres gros specimens de poissons et de requins. Je joue encore un peu avec Faliwa et Bryan son voisin. Ils sont rigolos tous les deux et me pretent un velo pour faire un tour avec eux.

Le soir je suis invite a manger chez Francis. Il me parle un peu du Vanuatu qu'il a connu en 1969 quand c'etait encore les Nouvelles Hebrides. Il me donne quelques contacts la bas et de quoi lire ce soir. Il me raconte ensuite qu'il etait en France il y a encore quelques jours dans la famille de son gendre. Sa fille qu'il a eu avec une polynesienne est mariee avec un francais prof de sport sur Tahiti. Mais sa famile vit dans le Luberon a ... Sansouis. "Ansouis tu veux dire?" "C'est ca Ansouis!" Il me montre une photo mais je ne connais pas de Guillaume Fanet age de 29 ans. Peut etre que quelqu'un le connais chez moi. Pour ceux qui ne le savent pas Ansouis est a 8 ou 9 kilometres de chez moi! Quand on vous dit que le monde est petit. Ensuite il me parle d'un projet qui lui tient "a coeur" pour l'annee prochaine. Francis est greffe cardiaque depuis quatre ans et il a prevu l'an prochain d'aller vivre 12 mois sur un atoll desert pour sensibiliser les gens au don d'organe. Il sera depose la bas par l'armee et est deja en contact avec RFO et espere interesser Thalassa. Il ne lui manque plus que quelques sponsors pour la nourriture et pour l'equipement qui lui permettrait de rester en contact avec l'armee. Une radio et un chargeur de batteries solaire pour le camescope. C'est pour ca que cet apres midi il apprenait avec les gens de mon hotel une nouvelle technique pour tresser les feuilles de palmiers pour se faire un toit. Apparemment il part tous lesans s'isoler un mois ou deux comme ca en autonomie mais c'est la premiere fois qu'il va le faire aussi longtemps. Alors la moi je dis "Monsieur Francis". A suivre... Le lendemain mon avion part a 17h, j'ai donc le temps de visiter un peu ce qu'il y a a voir. Je me dirige d'abord vers la ferme perliere qui permet de voir un peu comment se deroule la formation d'une perle de culture. En attendant le debut je regarde la collection de perles en vente. J'aime beaucoup les perles noires de Tahiti, plus que les blanches. Les noires ont en fait des reflets de differentes couleurs : ca va de vert a bleu en passant par aubergine. Alors c'est partie pour une petite lecon de culture de perle. Les naissains ( jeunes huitres ) sont d'abord achetees aux atolls des Gambier ou les huitres se reproduisent plus facilement et surtout la petite taille des atolls permet de les recuperer si j'ai bien compris. Et en plus il semble y avoir une regle de non concurrence qui permet a certains ilots de se specialiser dans un domaine plutot que dans l'autre. Les petites huitres sont donc elevees jusqu'a trois ans je crois ( j'ai pas note l'age ) age ou elles recoivent leur premier nucleus. Le nucleus est une bille de nacre issue d'une moule du Mississipi de 6mm de diametre auquel on ajoute un bout de manteau ( partie d'une huitre ) d'une autre jeune huitre selectionnee pour la beaute de sa nacre. Ce petit greffon de manteau donnera la couleur au nucleus. Les huitres sont ensuite mises dans des paniers et immergees dans des parcs pendant 40 jours pour verifier que la greffe a bien pris. Dans ce cas elles sont replongees en pleine eau pour une duree de 18 a 24 mois. Au bout de ce temps les huitres sont ressorties et on peut recuperer les perles qui pour etre acceptees comme perles de Tahiti doivent avoir une couche de nacre de au moins 1mm ( ca aussi il faut que je le verifie ). Toutes les perles sont envoyees a Papeete ou elles sont radiographiees pour verifier l'epaisseur de nacre et le cas echeant recoivent un certificat de

conformite. Mais les perles ne ressortent pas toutes rondes et parfaitement lisses. La qualite d'une perle se note a sa forme et aux imperfections qu'elle presente. Il y a 5 formes de perles : les rondes, les semis rondes ( qui ont l'air rondes mais quand on les fait rouler on voit qu'elles ne tournent pas rond ) les semi baroques ( legerement ovale ou plus bombees d'un cote ) les baroques ( completement deformees mais qui presentent parfois des formes interessantes pour faire un collier par exemple ) et les cerclees ( la perle peut etre ronde mais presente un cercle en creux, ca peut aussi avoir son charme ). Ensuite la qualite de la surface est classee en quatre categorie : si la surface comporte de 0% a 10% d'imperfection elle est classee A, de 10% a 30% B, de 30% a 60% C et au dela de 60% elle est classee... D! bravo pour ceux qui suivent. Sur les deux millions d'huitres elevees par la ferme seulement 300 000 perles sont produites chaque annee et seulement 1% de cette production sont des perles A ronde, les plus recherchees. Une huitre qui va faire une perle interessante peut etre regreffee aussitot avec un nucleus de la taille de la perle qu'elle vient de donner dans l'espoir qu'elle donnera une perle plus grosse. Une meme huitre peut etre greffee trois fois jusqu'a l'age de neuf ans ensuite le rejet est quasi systematique. Une huitre peut donner une perle de 12mm apres sa premiere greffe, ce qui fait une couche de nacre de 3mm avec un nucleus de depart de 6mm. Au bout de la troisieme greffe la taille exceptionnelle de 20mm peut-etre atteinte. Les prix varient evidemment en fonction de la qualite, de la taille et un peu aussi de la couleur ( les perles bleues et vertes sont les plus recherchees mais plus produites dans les eaux froides des Gambiers, puisque l'eau froide est meilleure pour ce genre de couleur parait-il ). Ici une perle ronde A de 9mm se vend aux alentours de 12000 FCFP soit 100 euros. Dans leur collection ils ont une perle ronde A de 16mm au prix de 450 000 FCFP ( 3371 euros ). L'apres midi je vais boire le cafe avec Francis pour lui dire au revoir on papote un peu et du coup je n'ai pas le temps d'aller jeter un oeil au caveau de vin de corail. C'est comme ca que le proprietaire de l'unique vigne de Polynesie a appele son vin. Sur un motu voisin il a fait venir de la terre et plante de la vigne qu'il peut recolter deux fois dans l'annee grace au climat des iles. J'aurai bien aime savoir comment il entretient ses vignes dans ces conditions et pourquoi pas gouter son vin meme si je ne suis pas tres cale. Mais il parait que ca ne casse pas des briques quand meme. Je plie me tente en quatrieme vitesse pendant que Faliwa et Bryan me disent qu'ils sont tristes que je parte deja. Nanua me raccompagne a l'aeroport dans sa voiture. Il me fait penser un peu a mon grand pere avec ses bequilles et sa facon d'etre meme s'il parle un peu moins. Pour me dire au revoir il m'offre un collier de coquillage comme c'est de coutume. C'est le premier qu'on m'offre, j'avais toujours vu des gens aux aeroports avec leur collier autour du coup et bien cette fois moi aussi j'y ai droit. Je retrouve Francis a l'aeroport, il est venu cherche sa voisine. Il a remis son collier avec la dent de cochon enroulee.
L'avion part avec un peu de retard.