dimanche 11 mai 2014

La péninsule de Snaefellsness

Mardi matin le ciel est gris comme prévu et il pleut. Légèrement mais il pleut. Nous avons très bien dormi, pas le moindre ronfleur ou personne qui se lève tôt ou moi qui tousse. Je me suis réveillé plusieurs fois et il y avait toujours une lueur dans le ciel, mais j'émerge vers 8h30. Alec était réveillée avant moi pour une fois. Le temps n'étant pas encourageant nous prenons notre temps pour déjeuner et ne quittons l'hôtel que vers 10h30. La pluie s'est arrêtée nous prenons la route de l'est pour Stykkisholmur, la plus grosse ville de la péninsule avec ses 1200 âmes. C'est un très joli village avec beaucoup de maisons colorées comme on se les imagine dans ce pays. Je ne sais plus si je l'avais précisé mais la plupart des maisons de Reykjavik sont banalement grise ou couvertes d'une espèce de crépi sableux terne.
  
Celles de Vik était plus traditionnelles couvertes de tôle blanche aux toits rouges comme beaucoup de fermes dans les campagnes. Ici elles sont donc colorées et dans le secteur du port beaucoup sont en fait des hôtels ou des chambres d'hôtes. Ca doit être bien de loger ici aussi même si c'est moins central que Grundarfjordur pour visiter la péninsule. Le port fait penser aux petits ports bretons des cartes postales. Naturellement protégé par des rochers, la baie est parsemée de centaines d'îlots dont nous ne voyons que les plus proches en raison des conditions météo. Malgré le vent froid (un panneau indiquait 4,6°C à l'entrée de la ville) nous gravissons la colline qui surplombe le port d'où part le ferry pour les fjords du nord ouest et l'ile de Flatey. Depuis le mini phare, typiquement islandais (j'ai mis Alec à côté du phare sur la photo, pour vous montrer comme il est vraiment petit, surtout quand on connait la taille de ma sœur) nous avons une jolie vue sur le port. Nous profitons du paysage (qui doit être superbe par temps clair), Alec aperçoit un gros oiseau, apparemment un aigle à queue blanche vue la taille. Quelques fous de Bassan passent parmi les fulmars et autres goélands marins. Le vent froid pénètre mes minces gants et j'en ai même les doigts qui me brûlent. Oui je peux les mettre dans mes poches mais comment je fais des photos alors? Nous retournons dans la campagne et les champs de lave, prenons le pique-nique dans la voiture et sortons pour marcher un peu et grimper sur un petit cratère. Il n'y a pas vraiment de chemin tracé. De temps en temps on aperçoit des traces de passages mais c'est en pointillé. La neige qui a fondu depuis peu et la faible fréquentation expliquent certainement cette absence de sente. Nous marchons sur des mousses de plusieurs centimètres d'épaisseur. C'est assez agréable comme sensation mais à la fois gênant quand on sait qu'il a certainement fallut très longtemps pour qu'elles poussent. Nous faisons donc attention de ne pas trop appuyer nos pas. Nous marchons sur des pierres de lave, de la pouzzolane (comme les petites boulettes que vous mettez au fond de vos pots de fleurs). Ca croustille sous les pieds comme si on marchait sur des corn flakes. Le cratère n'est pas très haut et nous sommes vite sur la crête. Mais celui-ci ne nous suffit pas, à quelques centaines de mètres un autre cratère, certainement né de la même phase éruptive, un peu plus grand, aux reflets rouge brique, nous tend ses pentes. Quelques plaques de neiges persistent. L'ascension de ce deuxième volcan est un peu plus longue et plus ardue. Le sentier est aussi marqué par intermittence mais c'est surtout la forte pente et les morceaux de lave friable qui glissent sous nos pieds qui nous font un peu plus souffler. Mais notre peine est récompensée. De là haut nous voyons toute la plaine de lave et les différents cratères qui la parsèment. Pour nous abriter un peu du vent qui vient du nord nous descendons nous asseoir sur la pente sud. On a le sentiment d'être les premiers à être monter là. Peu de choses trahissent la présence humaine si ce n'est la petite maison sur les rives du lac en contrebas... et la route et des poteaux électriques et la piste par où nous sommes arrivés et Pikachu qui attend sagement en bas. Mais laissez nous rêver que nous sommes seuls au monde!

 
Sur le flanc d'un autre cratère des gens ont arraché ces mousses pour "écrire" quelque chose. On a vu ça plusieurs fois sur le bord des routes. Plus haut sur les pentes du volcan les mousses laissent place aux lichens et surtout à la roche brute.
Nous continuons notre visite de la péninsule en passant sur la côte sud réputée plus sauvage. Effectivement, on ne peut pas dire que les habitations courent les rues. C'est bien simple, il y a tellement peu de maisons qu'elles ne forment même pas les rues où elles pourraient courir. Le hameau de Lysuholl possède même la seule école de toute la rive sud de la péninsule (soit une cinquantaine de kilomètres de long), la piscine et le terrain de basket.
A mi chemin de la côte sud nous arrivons à Budir. Un simple lieu dit avec un hôtel et une église. Une jolie petite église noire à l'histoire atypique. Je vous la fais courte. Depuis 1703 il y avait une église à Budir mais en 1816 l'Eglise a décidée qu'il n'y aurait plus de paroisse. Madame Steinunn Sveinsdottir lutta pour le retour d'une église dans son hameau mais les instances catholiques n'en avait cure. A force de recours elle obtint une permission royale pour construire "son" église mais toujours pas le soutien de la hiérarchie spirituelle. Résultat en 1848 l'église de Steinunn fut enfin construite. C'est en sa mémoire que, sur l'anneau de la porte, ont été gravés ces mots (que je vais traduire pour ceux qui ne comprennent pas encore l'islandais) : "Cette église a été bâti en 1848 sans le soutien des pères spirituels". L'église est fermée mais on peut voir l'intérieur par les fenêtres. De jolies décorations sobres et légèrement colorées. L'église noire de Budir n'est pas le seul intérêt de ce petit coin tranquille, le guide du routard conseille une balade sur les sentiers qui serpentent au milieu de la coulée de lave (encore une oui!). Mais celle-ci certainement plus ancienne que les précédentes est couverte d'une végétation un peu  plus évoluée. Même si ça reste des herbes on y trouve de jolies petites fleurs ainsi que du thym arctique, qui sent le thym! Le routard annonce qu'en marchant dans ce décor "un sentiment de quiétude devrait nous envahir". Alors on marche sur ces petits chemins qui se faufilent entre les trous de lave recouverts de végétation. On marche en longeant plus ou moins la côte jusqu'à arriver à des ruines d'habitations anciennes (normal pour des ruines me direz vous).
 
 En fait les restes de fondations en pierres dans lesquelles nous trouvons un abri contre le vent léger mais froid qui souffle toujours. Et là, au fond de ces "trous", allongés dans l'herbe, la tête sur une plante de thym arctique, nous trouvons la quiétude. Ils sont forts le guide du routard! Nous gardons la dernière moitié de la côte sud pour demain et retournons par une petite route qui traverse la péninsule pour la côte nord. Nous arrivons vers 19h30 à Grundarfjordur, c'est un peu l'heure de manger et nous mangerions bien du poisson ce soir. Sauf qu'on n'en a pas acheté comme on avait pensé le faire. Le propriétaire de l'hôtel nous a conseillé un restaurant qui cuisine du poisson toujours très frais, presque toujours pêché du jour.
Ce soir le restaurant est plein (en effet un bus est garé devant) mais la jolie serveuse (elles sont souvent jolies) me dit de repasser vers 20h30 car il devrait y avoir de la place. En attendant nous décidons d'aller voir une autre des choses conseillée par le propriétaire de l'auberge. A quelques petits kilomètres à l'est de Grundarfjordur un pont permet de traverser l'estuaire d'une petite baie et à cet endroit il y a souvent, d'après le propriétaire, des dauphins qui viennent se nourrir piégeant les poissons dans cet étranglement au moment des marées. Nous nous garons juste avant le pont. A l'abri dans la voiture nous enfilons nos vestes, glissons nos gants à nos mains et rentrons notre bonnet jusque sur nos oreilles. Le soleil est descendu derrière la colline et le vent souffle un peu plus fort de ce côté. le ciel s'est bien dégagé ce soir. De là nous ne voyons pas d'aileron de dauphin à a surface mais pas mal d'oiseaux tournent au dessus de l'eau. Nous sortons de la voiture, le froid nous saisi, Alec remonte dans la voiture. "Je vais regarder de là, si tu vois quelque chose fais moi signe" me dit-elle. Des fulmars, des goélands, quelques fous de Bassan survolent la baie. Une troupe d'eiders s'est rassemblée près de la plage pour passer la nuit. Il fait froid, je rentre ma tête dans mes épaules. De plus en plus de fous de Bassan, ces grands oiseaux blancs et noirs dont on a l'impression que la tête est maquillée, viennent du fond du fjord pour se joindre à leurs congénères qui se mettent en action de pêche. J'essaie de les prendre en photo à leur passage. C'est impressionnant de les voir pêcher. Quand ils ont repéré un banc de poissons ils tombent en piqué sur l'eau en repliant leurs ailes au dernier moment pour n'être plus qu'un missile qui vient percer la surface de l'eau en une gerbe d'eau. Quand il n'y en a que quelques uns c'est joli, mais là il y en a des dizaines et leur ballet est magnifique à voir. Il tournent en rond au dessus de l'eau et comme une escouade d'avions de chasse ils fondent sur l'eau en se laissant tomber les uns après les autres. On dirait une chorégraphie. Je me gèle les mains et il n'y a pas de raison que je sois le seul. Mais surtout il faut qu'Alec voit ça. Je l'appelle. On reste un bon moment à regarder ce spectacle. Ils sont vraiment fous ces fous de Bassan! Mais il est l'heure de retourner au restaurant. Le bus est toujours devant. Nous arrivons devant la porte, à l'intérieur les convives se sont levés de table mais ils se sont regroupés dans le hall d'entrée et chantent. Une chorale qui doit faire son repas annuel! On reviendra demain soir, de toute façon on a de quoi se faire à manger. On mange dans la cuisine et je tape le blog après le repas. Vers minuit Alec va se coucher, je continue un peu. Elle revient peu après "Grigo, il y a un nuage bizarre au dessus de la colline, ça fait comment une aurore boréale". Je regarde par la fenêtre. Un léger voile étroit et allongé s'étire au dessus de la colline sur la baie. Mais surtout il a des reflets verts. C'en est une! Vite on file dans la chambre enfiler nos vestes, prendre l'appareil photo. On est tout excité. Il faut faire vite, celles que j'avais vu il y a deux ans étaient brèves. Comme il faut enlever ses chaussures à l'entrée de l'hôtel nous courons dans le couloir en chaussettes et descendons l'escalier à toute vitesse. Vite, vite, vite! Nous enfilons nos chaussures sans les attacher et sortons devant l'hôtel. L'aurore est toujours là et semble prendre de l'intensité. En même temps que je monte mon appareil sur son trépied j'explique en anglais à un gars qu'une "northern light" est en train de se former. Il ne comprend pas tout de suite et me répond en hésitant un peu sur les mots. Je me souviens que tout à l'heure j'ai entendu parlé français dans l'escalier. C'était lui et sa copine. Je continue mon explication dans la langue de Bobby Lapointe (quoi, il n'y a pas que Molière qui parlait français!) tout en calant le trépied au sol et en programmant la prise de vue. En 2010 nous avions vu, dans une salle de la mairie de Reykjavik, une exposition de photos d'aurores boréales en présence du photographe. Les paramètres de chaque photo étaient affichés dans un cadre : entre 15 et 30 secondes de pause, iso de 800 à 1600 focale de 16mm. De plus le photographe m'avait conseillé de faire les photos à la pleine lune qui permet d'éclairer le premier plan. En ce moment la lune est noire mais la nuit non, il est minuit et demi et une lueur pâle éclaire l'horizon. Devant nous, dans le ciel au dessus de la colline une écharpe verte, phosphorescente, prend plus d'intensité et ondule légèrement pendant quelques secondes encore. Puis elle se déplace vers la droite en devenant plus diffuse plus courte. Alec se tourne vers moi "On en a vu une!" Et on se tape dans la main. D'autres phénomènes se reproduisent ensuite mais beaucoup moins intenses et moins net. Parfois nos yeux semblent distinguer quelque chose qui n'est seulement révélé que par la pause de la photo. Nous restons à guetter le ciel jusque vers deux heures du matin puis rentrons dans la chambre. Une couverture nuageuse est en train de se former Nous n'avons même pas eu froid. Nous regardons encore un peu par la fenêtre. Vers 3 heures du matin la lumière du matin s'intensifie. On ne verra plus rien cette nuit.
  

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