mardi 3 juin 2014

Coup de soleil islandais

Nous avons encore un peu guetté les lumières vertes jusque vers 3h mais les nuages et la lumière du soleil naissant nous ont incité à nous coucher. Et honnêtement la fatigue aussi. Et puis surtout demain nous devons faire la fin du tour de la péninsule. 8h30 je me réveille, un soleil radieux illumine la chambre. En me tournant dans mon duvet je réveille Alec. Le soleil est trop radieux pour elle et la nuit a été trop courte, elle se retourne. Je tire le superbe rideau vert pour abaisser un peu la luminosité et vais prendre la douche. Je ne vous ai pas dit l'autre utilité d'une douche quand on est en voyage. Ca peut servir de lavoir. Hier j'ai lavé quelques chaussettes et mes dessous intimes ( c'est un joli mot pour dire slips sales ). Bien sûr on peut souvent utiliser des machines à laver dans les auberges mais j'avais juste besoin de ces quelques sous-vêtements. Bon revenons à nos mérinos. Finalement je ne sais pas si c'est moi qui ai fait du bruit en me douchant ou si elle avait assez dormi, mais Alec est réveillée. Elle aurait surement dormi encore (et moi aussi) mais l'aventure nous appelle.  Comme il fait beau et qu'il n'y a presque pas de vent nous retournons voir nos amis les fous de Bassan. Ils nous passent juste au dessus de la tête, ils sont superbes avec leur fond de teint et leur rimmel. Nous reprenons ensuite la route par laquelle nous sommes revenus hier pour aller sur la côte sud. En route nous nous arrêtons pour marcher un peu, voir ce qu'il y a dans la vallée derrière : une cascade. Puis un peu plus loin sur la route pour voir les trous de neige au dessus de la rivière. Nous avions repéré ça la veille. La neige a bien fondu, mais il reste quelques plaques et surtout la rivière circule encore pas mal sous d'épaisses couches et parfois des trous la laissent apparaître. Pour nous approcher de la rivière nous devons marcher une centaine de mètres sur un sol pierreux et herbeux par endroit. Mais même s'il semble solide en fait le sol est gorgé d'eau du dégel et nous nous enfonçons à chaque pas. Même sur le sol caillouteux.
 
Et c'est là que j'ai la révélation. J'ai enfin compris le pourquoi de la quatrième allure des chevaux islandais. Pour ne pas s'enfoncer il faut pratiquer le "trottiné-coulé"; marcher rapidement en posant les pieds bien à plat. En posant les pieds à plat on réparti le poids du corps sur toute la surface du pied donc on appuie moins fort sur le sol imbibé d'eau et en trottinant on reste moins longtemps en appui au même endroit. Résultat on s'enfonce moins. On a l'air un peu débile mais ça marche. Alec est morte de rire derrière moi. Dans les zones herbeuses le truc c'est de marcher sur les bosses des touffes parce que les creux sont de vrais marécages, on le sait on a testé. Enfin la neige nous offre un sol ferme mais nous ne nous approchons pas trop de la rivière tout de même car les bords des trous forment des corniches dont la stabilité nous parait précaire. La hauteur de neige sur la rivière dépasse les deux mètres. Quelques jours avant de partir j'avais vu à la télé le déblaiement d'une route en Islande. Une journaliste se trouvait sur cette route entre deux murs de neige de dix mètres de haut! Après cette balade nous allons vers Arnarstapi où nous comptons manger. Un peu avant d'arriver je repère une faille dans une falaise. J'avais vu cette fissure sur le site d'un photographe venu dans le Snaefellsness, on peut y entrer. Sur le parking au pied de la falaise un écriteau nous explique que le géant Bardur vivait dans le coin avec sa femme, son frère et son neveu. Un jour qu'il était parti, son frère en a profiter pour faire des avances à sa femme. Cette dernière a cédé, en rentrant Bardur a tué tout le monde et balancé son frère et son neveu au fond de cette fissure puis est parti se cacher dans le volcan du Snaefellsness. Les falaises couvertes de mousses autour de la fissure sont habitées d'une foule de fulmars. Nous pénétrons entre ces étroits murs et avançons un peu dans les entrailles de la montagne, mais un gros rocher bloque rapidement notre progression. Pour le passer il faudrait l'escalader mais un ruisseau coule dans cette étroite gorge (une gorgette) et nous n'avons pas trop envie de nous tremper les pieds. Enfin j'ai bien essayé un peu mais me suis vite mouillé les pieds malgré mes chaussures de rando. Pas malin le gars. Donc demi-tour et il est l'heure d'aller manger au soleil au dessus des superbes falaises d'Arnarstapi. Ces falaises sont étonnantes, nous mangeons devant une arche faite de colonnes basaltiques sombres teintées de jaunes où nichent des fulmars et des mouettes tridactyles. Encore un repas frugal à base de sardines et petits pains carrés au fromage. Je me suis mis pieds nus pour essayer de faire un peu sécher ma chaussette droite qui a pris l'eau dans la faille de Bardur. Le

 
soleil brille et chauffe un peu mais l'air est frais tout de même. Après manger je fais des photos des oiseaux qui passent au ras de la falaise. Je ne m'en lasse pas. Alec trouve encore la quiétude, comme à Budir. Il faudra qu'on dise au guide du routard que ça marche ici aussi.
C'est bien tentant de se coucher et faire un petit pénéqué mais j'ai du mal à faire la sieste en voyage ou dormir dans les bus : j'ai toujours peur de rater quelque chose. Une petite fleur à voir, une bestiole un peu insolite qui passe, une lumière magique ou encore un volcan qui entre en éruption, je sais pas moi, le truc qui marque la journée  (serait-ce l'annonce d'un phénomène rare?...suspense).
Nous longeons le sommet des falaises, c'est vraiment un paysage étonnant : le temps a creusé des gouffres dans lesquels la mer pénètre par des arches. C'est le lieu idéal pour les mouettes tridactyles, elles y trouvent un abri naturel tout en étant à proximité de la mer. C'est impressionnant comme ces oiseaux aux lignes fines arrivent à tenir sur de mini corniches au dessus du vide. J'espère qu'elles ne pondent pas là dessus parce que leurs œufs n'auraient que peu de chance. Au loin sur la mer nous apercevons des dauphins qui partent vers le large. Il y en a pas mal on dirait mais ils s'éloignent. Nous sommes également les témoins d'un étrange ballet. Les mouettes se dirigent vers un tout petit lac, une sorte de grande flaque d'eau douce dans laquelle elles se lavent. Elles doivent se débarrasser du sel qu'elles ont sur les plumes. Une fois leurs ablutions terminées elles retournent vers leur perchoir. Un bateau revient du large, suivi par une horde d'oiseaux. Au même moment nous voyons à nouveau des dauphins près de la côte de l'autre côté de la baie puis il en arrive de partout. Ceux qui étaient au large reviennent en faisant des sauts au dessus de l'eau. Il y en a des centaines! Partout où nous regardons dans la baie nous voyons des ailerons ou des dauphins qui sautent. Il y en a des milliers! Ils sont loin mais j'essaie de faire des photos. "Regarde là, il y en a trois qui ont sauté en même temps!" "Là ils sont plus près". Il y en a des millions! Trois hommes assis sur une pointe rocheuse profitent aussi du spectacle avec une longue vue. Il y en a un milliard!
 Le bateau est rentré au port et décharge sa cargaison de cabillaud. Encore un joli petit port à l'abri des rochers. Arnarstapi est un endroit de rêve pour qui veut se reposer. Quelques maisons seulement et un décor à couper le souffle. Le routard indique une auberge pas très chère, ça pourrait être un bon endroit pour un prochain voyage. Mais c'est vrai qu'il vaut mieux prévoir de quoi manger parce que question commerce c'est un peu désert. Et pour apporter un bémol il faut reconnaître que la météo est plutôt exceptionnelle aujourd'hui, par temps gris ça peut devenir plus triste. Et en cas de tempête carrément fantastique! Définitivement un coin à voir.
 
Nous continuons notre tour de la péninsule et des plaques descriptives. Une statue en bronze est posée au milieu de nulle part. Elle représente, si mes souvenirs sont bons (et oui je suis un peu à la bourre, ça fait un mois que je suis rentré), une femme qui a existé et la première à être aller en Amérique avec la première expédition. Elle a ensuite continué à voyager en Europe. Une femme libre et aventurière qui mérite bien une statue. Un nouvel arrêt et une ballade d'une heure nous mène à Londrangar. Deux pics rocheux de 75 et 61 mètres au bord de mer. Leurs formes fantasmagoriques ont dû participer aux légendes locales et laissent libre cour à l'imaginaire. Aujourd'hui, sous le soleil de fin d'après midi le plus grand ressemble à un écureuil géant , mais des nuages noirs ou du brouillard peuvent le faire paraître pour un troll ou un géant maléfique. Nous nous contentons de l'écureuil géant, mais notez qu'un rongeur de cette taille n'a rien de rassurant et qu'il doit faire de sacrés dégâts!
Une autre pause pour escalader un petit volcan aménagé d'un escalier. Encore un volcan, encore une vue sur une plaine de lave avec le Snaefellsness en arrière plan. Mais on ne s'en lasse pas.
Nous arrivons à Grundarfjordur vers 19h30, l'heure d'aller manger au restaurant que nous avons raté
hier. Il y a beaucoup moins de monde qu'hier et la plupart doivent être logé à cet hôtel. L'ambiance est assez feutrée et presque trop chic pour moi. Je ne me sens pas très à mon aise avec mes chaussures de marche. Vue l'heure nous sommes venus directement sans passer par l'auberge. Nous prenons la même chose : soupe et poisson du jour. La soupe est succulente et le poisson cuit à la perfection fond littéralement dans la bouche. Et en plus les portions sont copieuses. Bien sûr quand nous sortons il fait encore jour alors pour ne pas rentrer tout de suite nous retournons une nouvelle fois voir les fous de Bassan. Ca non plus on ne s'en lasse pas. Ce soir il y a une attraction de plus. Près de la plage un phoque, curieux, nous observe. Je lui parle et m'amuse avec lui. Il plonge en se jetant sur le côté comme s'il jouait. Enfin, c'est l'interprétation que j'en fais. Il ressort un peu plus loin. Je lui parle à nouveau en bougeant la tête de gauche à droite. Il plonge à nouveau et ressort plus loin. J'arrête de l'embêter. Le soleil se couche, orange, flamboyant, explosif. Devant le miroir de la salle de bain nous aussi nous sommes flamboyant : pas explosifs mais nous avons pris un petit coup de soleil. Deux provençaux qui viennent rougir en Islande fin avril ça la fout un peu mal mais demain ça aura disparu.
Je tape quelques lignes sur le blog, en lit quelques unes dans mon livre pendant qu'Alec avance dans le sien de son côté. Nous éteignons. Demain retour à Reykjavik nous devons rendre la voiture le soir mais nous ferons des pauses en route.
 
 

 

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