mardi 16 décembre 2008

Phonsavan, plaine des jarres sur fond de guerre




Une fois a la station de minibus je rencontre deux allemands qui attendent ici depuis 8h30 et nous devons attendre encore trois personnes. Un peu avant 10h ce sont deux filles ( une australienne et une suedoise ) qui attendaient le tuk-tuk depuis 8h30 devant leur hotel puis c'est un belge qui debarque vers 10h avec le meme tuk-tuk que moi. Il ne faut pas etre trop presse dans ces pays ni trop a cheval sur la ponctualite de toute facon la mentalite c'est que tant que tout va toujours bien. J'adhere volontiers meme si j'essaie d'etre a l'heure au moins pour les autres. D'apres les echos que chacun a eu, le voyage devrait durer entre 7h et 10h. Les allemands me disent que le parcours peut etre dangereux parfois car il y a eu quelques histoires de brigandage. Du coup pendant la premiere heure je ne suis pas tres rassure et chaque montee avec nids de poules ou le van doit ralentir ferait a mes yeux un bon endroit pour une embuscade. Le chauffeur conduit assez vite et comme on le voit faire souvent double dans des endroits un peu risques : peu de visibilite, en montee et entre deux virages. La circulation n'est pas tres importante ce qui explique le faible nombre d'accidents. Ce qui est marrant parfois c'est que le chauffeur s'arrete au milieu de nulle part pour la pause pipi. Il m'a semble que c'etait toutes les deux heures. J'essaie de lire un peu mais la route tourne trop et j'ai un peu de mal. La jeune australienne a cote de moi a l'air de souffrir encore plus de ces enchainements de virages. Elle essaie de dormir mais quand nous faisons la pause a midi elle ne sort meme pas pour manger un bout. Nous nous sommes arretes au meme endroit qu'en venant de Vang Vieng et peu apres la route bifurque ne direction de Phonsavan. La route continue dans les montagnes et au travers des villages Hmongs avec les memes scenes de vie. J'ai appris depuis, en lisant un peu mon guide, que c'est en ce moment ( nouvelle lune de decembre ) le nouvel an Hmong ce qui explique en partie les habits colores des jeunes filles. Avant d'arriver a Phonsavan le paysage change completement, les montagnes laissent la place a une large plaine ou les collines couvertes de pins et a la terre rouge ressemblent un peu a certains paysages de Provence. Je crois meme reconnaitre la route entre La Tour d'Aigues et Mirabeau avec la Pinette qui surplombe la Durance au fond. Le seul truc c'est que les champs de ble qu'on voit dans ce coin sont remplaces ici par des rizieres. Des rizieres cultivees en petites parcelles avec un denivele entre chaque d'une dizaine de centimetres seulement, certainement pour une meilleure irrigation. Nous arrivons a Phonsavan a 16h, nous n'avons donc mis que 6h. Le bus nous depose au centre ville. Je me dirige vers l'hotel Dok Khoune repere dans le guide mais les prix sont un peu eleves. Je verifie l'adresse et en fait c'est la guesthouse Dok Khoune ou je voulais aller, presque en face et pour 6 euros la nuit. La chambre est simple avec douche privative mais de toute facon c'est la derniere parce que beaucoup de gens sont arrives en ville pour le nouvel an Hmong. Phonsavan est au coeur de la region ou vivent la plupart des Hmongs du pays et c'est aussi la plus grande ville. Donc le gros de la fete qui dure presque une semaine a lieu ici. Cette region a egalement ete touchee par la guerre du "Viet Nam" car elle etait en plein sur la route Ho Chi Min par laquelle les vietnamiens du nord se faisaient ravitailler en munitions. Et pour essayer de lutter contre cet approvisionnement les americains ont deverse des millions de tonnes de bombes. Les calculs fait par les associations de deminage rapportent que pendant cette periode il a ete lache 500 kg de bombe par habitant de l'epoque. Un record mondial si l'on peut dire. Le probleme c'est que ces bombes n'ont pas toutes explose et qu'il s'en trouve toujours aujourd'hui. Le hall de l'hotel est d'ailleurs "decore" de plusieurs bombes enormes, de grenades et de sous munitions. Et quand on se balade un peu dans les rues de cette ville reconstruite apres la guerre on peut voir souvent devant les hotels des bombes qui servent de jardinieres ou de barbecue. Je vais faire un tour sur le terrain ou se deroule la fete Hmong. Les Hmongs sont issus de tribus venus de l'himalaya et de Chine occcidentale qu'ils ont fuit lors de differentes persecutions dans les precedents siecles. Mais ici leur vie n'est guere plus appreciable apparemment surtout que la CIA les avaient engager pour lutter contre les communistes et que du coup ils le paient aujourd'hui par un isolement et un abandon de l'etat. La fete n'a rien de tres joyeux. Les stands de tir aux flechettes dans des ballons sont la seule grande attraction. Le reste se compose de stands de nourriture, de vente d'habits ( occidentaux ), d'objets usuels et plusieurs labo photo qui vous font poser sur le fond de votre choix : montagne enneigee, plage a cocotiers ou cascade. Il a du y avoir l'election d'une miss parce que je vois passer plusieurs jolies filles en costume traditionnel avec des echarpes. Bien sur les files de lancer de balle se rencontrent un peu partout. Un homme m'interpelle, me demnade d'ou je viens et est tres content de pouvoir me parler francais. Sur son carnet je dois lui ecrire les noms des presidents francais depuis De Gaulle. Il est tres content de pouvoir discuter avec moi. Les gens qui passent et nous voient parler ralentissent ou s'arretent carrement pour ecouter un peu. Mais ils ne doivent pas compendre beaucoup et continuent leur chemin. Il faut dire qu'il y a tres peu de touristes sur cette place. Il m'explique qu'il existe differents types de Hmongs en fonction des origines et des couleurs des robes des femmes. Il y a les Hmongs noirs, bleus, verts... mais le haut est toujours tres colore. Je n'avais pas remarque mais les filles envoient la balle au garcon sur la ligne en face. Ca n'est pas tres sportif vu qu'ils sont a peine a plus d'un metre les uns des autres mais ca a l'air de tisser les liens. Il fait froid le soir. La plaine est en fait a un peu plus de 1100 metres d'altitude et la soupe du soir au restaurant juste au pied de la pension est bienvenue. La ville, reconstruite sommairement apres la guerre n'a aucun interet paticulier et je ne vais pas m'y attarder mais c'est le point de depart pour la visite de sites archeologiques couverts de jarres funeraires. J'ai reserve ma place pour une excursion demain matin. Le lendemain je retourne a mon petit restaurant pour le petit dejeuner. La jeune fille m'apporte le "Black fast manu". C'est exactement ce qu'il y a ecrit sur la carte. Il faut dire qu'ils ne s'embetent pas trop avec l'orthographe ici et bien souvent les traductions en anglais ou francais se font a l'oreille. C'est comme ca que j'ai pu voir des sandwichs "bugurtte" pour "baguette". Et donc le "Black fast Manu" qui se traduirait par "Manu le noir rapide" correspond, pour ceux qui auraient du mal en anglais, au "breakfast menu" menu du petit dejeuner. Je vais attendre le minibus devant l'agence. La jeune australienne d'hier vient aussi avec cette agence et quand le minibus arrive nous retrouvons les deux allemands. S'ajoutent a ce groupe : une hollandaise, un japonais, une singapouraise, un couple d'anglais et une autre anglaise. Notre jeune guide parle tres bien anglais et nous commencons la visite par un office de tourisme devant lequel s'entassent quelques tonnes de bombes et armes en tout genre. A l'interieur des panneaux detaillent un peu les differentes tribus qui peuplent la region ainsi que la nature et les sites archeologiques. Avant d'entrer sur le premier site un panneau explique que le site a ete demine pour permettre sa visite. Mais en partie seulement. En fait un chemin a ete proprement demine grace a des detecteurs de metaux tandis que le restet du site l'a ete uniquement de facon visuelle donc tout ce qui est enterre l'est toujours et constitue un danger potettiel pour qui marcherait en dehors des marques blanches. Et les marques blanches ne sont parfois espacees que de deux metres c'est vous dire le boulot qu'il reste a faire. Des bombes sont retrouvees tous les ans et des accidents parfois mortels arrivent encore. Mais les plus grosses ne sont pas les plus dangereuses. Les plus meurtrieres sont les sous-munitions des bombes a fragmentations. Pour ceux qui comme moi ne sont pas des specialistes de ce qui tue, les bombes a fragmentation sont des bombes qui contiennent des minibombes contenant elles memes des centaines de petites billes metalliques. Elles explosent a quelques metres au dessus du sol et les petites bombes sont donc dispersees et explosent a leur tour. Quand "tout va bien". Seulement on estime que 30% des sous munitions n'ont pas explose et elles restent donc un danger aujourd'hui encore surtout que leur couleur vive ( verte ou jaune bien souvent ) les fait passer pour des fruits aux yeux des enfants. Je vous laisse deviner le resultat. Bien sur les gens travaillant dans les champs sont aussi les plus touches lorsqu'ils travaillent leur terre piegee. Revenons a nos jarres Ces jarres etudiees pour la premiere fois par une francaise dans les annees 1920 auraient entre 2500 et 4000 ans et etaient destinees a recevoir les depouilles mortelles des habitants de l'epoque. Le truc c'est qu'elles ne sont pas fabriquees a partir d'argile comme on pourrait le croire pour des jarres mais elles sont creusees directement dans la roche et transportees depuis la carriere a plusieurs kilometres de la ( dans la montagne qu'on peut voir au fond d'une photo ) par un moyen encore inconnu. Ces jarres de plusieurs tonnes on peut etre ete roulees sur des rondins de bois ou tirees par des elephants, la reponse reste un mystere. Il existe 57 sites ou on trouve des jarres au Laos mais c'est autour de Phonsavan que se situent la majorite d'entre eux. Seulement cinq sont visitables actuellement car les autres n'ont pas encore tous ete demines. Nous marchons un peu entre les dizaines de jarres plus ou moins grosses ( peut-etre en fonction du statut du defunt ) et parfois un cratere de bombe vient rappeler que l'histoire ne s'est pas arretee aux jarres. Les restes de tranchees sur le sommet des collines confirment que les combats ont ete rudes. Une grotte a meme servi d'hopital de guerre pour les allies laotiens et vietnamiens. Nous nous arretons a un village Hmong pour regarder les filles jouer a leur jeu de balle. Le guide nous explique que ce jeu est en fait un jeu de seduction. Les garcons viennent echanger la balle avec la fille de leur choix et pendant les heures que peut durer ce jeu ils discutent et apprennent un peu a se connaitre. Il arrive parfois qu'une fille ait plusieurs pretendants et dans ce cas c'est elle qui choisit l'elu. Les garcons peuvent aller dans les villages voisins pour trouver leur amoureuse. Seules les filles en ages de se marrier participent a ce jeu, soit aux alentours de 15 ans et une fois marriees elles ne vont plus a l'ecole. Ce jeu reste un moyen de tisser les liens sociaux. Nous mangeons avant d'aller aux sites suivants. Sur les sites numero deux et trois les jarres sont taillees dans le gres alors que sur le premier il s'agissait plus d'une poudingue calcaire. Un lezard prend la pose. Nous traversons des rizieres avec des buffles d'eau qui paissent tranquillement. Ces betes sont enormes et paraissent tres puissantes. Pour finir nous visitons une petite fabrique familiale de vin de riz. D'alcool de riz plus precisement puisqu'il s'agit de riz fermente pendant trois semaines puis distille dans un alambic artisanal dont le couvercle conique rempli d'eau froide permet la condensation de l'alcool qui s'egoutte dans une gouttiere et est recupere a l'exterieur. L'alcool fait un peu plus de 20 degre et est parfois additione d'un serpent, un scorpion ou un crapaud pour donner du gout. La piece ou est distille l'alcool sert aussi d'ateleir de tissage avec un metier comme on peut en voir beaucoup dans les villages.
Arrive a l'hotel le jeune me propose d'aller me chercher le billet de bus pour Vinh ( au Viet Nam )le lendemain matin a 6h30. Il me reserve aussi les services d'un ami chauffeur de tuk-tuk pour le lendemain matin 6h puisque le bus part a 6h30. Je trouve un internet mais toujours pas de reponse de l'agence. Je visite le maison du MAG association de deminage qui expose quelques panneaux explicatifs et montre des films sur le deminage et les consequences de la guerre des decennies plus tard. Il est etonnant de voir que les enfants se font des toupies avec les tetes de certaines bombes. Le soir je mange avec quelques uns de ceux avec qui j'ai fait l'excursion aujourd'hui.





5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je savais bien que tu finirais par rencontrer une bombe pendant ton périple !

Anonyme a dit…

pour essayer d'atteindre le niveau de Matthieu : Les vietnamiens, ils phonsavan de réflechir non ?

Anonyme a dit…

J'ai trouvé ton récit émouvant.
Mais dis moi tu n'as pas l'air péter de rire, tout va bien ? C'est peut être parce que tu ne t'es pas fait exploser la panse avec ta soupe. Tu n'as pas non plus sauté de joie de rencontrer avec une suédoise, c'était pas une bombe ? Cela fait aussi un moment que tu ne nous as pas offert un auto-portrait, tu n'as plus bonne mine, une mèche rebelle ou quoi ? Ah non, j'ai compris c'est surement que tu es miné par ta date de retour !!
Thieu

Grigo a dit…

Mais c'est un festival Matthieu!!!
L'autoportrait arrive, je suis passe par un coiffeur j'en avais marre d'avoir les cheveux en petards.

Anonyme a dit…

Salut Grigo,les filles se joignent à moi pour te souhaiter de bonnes fêtes de fin d'année...pour ma part je suis en congés ce soir j'ai jeté la blouse sans aucun remord!!!!Nous pensons bien souvent à toi mais nous n'arrivons pas à trouver un moment au labo, pour t'écrire un petit mot toutes ensemble
A plus
Isa